Catalunya et al. Pourquoi sommes nous arrivés là?

Comment sommes-nous arrives là? Quelques précisions sur la Catalogne autour du 27 septembre 2015

Raz de marée des indépendantistes surtout pour le numéro de sièges au parlement dimanche 27 sept (la loi électorale favorise   les grandes coalitions)  qu’ils essaieront de traduire en projet de séparation (nouveau “Estatut” pour la Catalogne). Il n’y a plus de volte face quand les masses sont sous les consignes dans les rues. Les petits qu’on amène bariolés d’indépendantisme  à la “Diada” (fête nationale le 11 sept qui commémore la défaite des Catalans (lesquels?) avec l’entrée des Bourbons à Barcelone en 1714!)  comme si c’étaient les suiveurs d’une équipe   de foot: le Barsa sponsorisé par le Qatar que dit-on finance le jihadisme. Impressionnés par cette ferveur collective, ces jeunes  vont toujours se sentir partie d’un tsunami idéologique indépendantiste qui en plus donne l’idée d’un changement à l’époque d’une déconfiture totale de la politique et de l’économie. Les élites séparatistes catalanes ont réussi à convaincre  avec des consignes très  bien choisies une énorme masse de twiteurs: “Madrid nous vole”; “l’Espagne contre la Catalogne” titre d’un colloque organisé par la Generalitat en 2014; “Aujourd’hui patience, demain indépendance”; “Espagnol, celui qui ne saute pas”. À la base historique un parti de gauche mais rengorgé par Convergencia, le centre droite catalan corrompu par le 3% des contrats de la “Generalitat” à l’époque du président Pujol, dont le clan est accusé de fraude fiscale. Le gouvernement du PP, parti financé aussi par des pots de vin d’entreprises, incapable retranché dans l’immobilisme légaliste du Tribunal Constitutionnel politisé par ses soins, et la paralysie des socialistes du temps de Zapatero, des Machiavel de voie étroite. Depuis 1993, Madrid (PSOE et PP) a forgé des alliances contre nature avec le catalanisme de Pujol qui a profité pour bâtir le pays (“fer pais”) et le PSOE a béni des gouvernements entre socialistes et indépendantistes en Catalogne (2003-2010). Les non indépendantistes sont divisés, apeurés, éparpillés, invisibilisés … Les zones grises sont bien plus difficiles à expliquer quand on lutte contre  l’éblouissement de l’utopie qui dymanise une partie de la société civile très bien organisée dans les réseaux sociaux, qui profite du ras-le-bol général et qui a fidélisé les fils d’immigrants, traditionnellement attachés à une classe ouvrière historiquement non indépendantiste presque disparue. Lutte d’élites: arrogance centraliste contre vanité périphérique sur la vague d’un mouvement de masses pacifique et d’une apparence démocratique mais où les exclus du processus ont de la peine à se faire entendre. Sentiments de libération contre la peur; émotions contre réflexions. Bruitage contre rumeurs. Nous et les autres.

C’est une révolution et elle ne s’arrêtera plus. Deux ou trois générations finiront par faire  basculer l’affaire, si rien ne change,  (même avec une géopolitique mondiale très peu favorable aux divisions face aux doutes jihadistes et migratoires). On refusera de négocier le contrôle idéologique et le monolinguisme du cursus scolaire que les élites de clercs (Benda) fonctionnaires catalans qui ne perdront rien quoique que soit le final, (ou Collectif Wilson dans le cadre paisible des grandes facultés états-uniennes et britanniques à l’abri de tout) ont manipulé à fond: la nation catalane surgit au X siècle et a été supprimée par les méchants Castillans sous l’égide des Bourbons en 1714, alors que ce fut une guerre civile de l’ancien régime facilitée par des élites de Catalans des deux côtés, la langue catalane est attaquée alors qu’elle est complètement normalisée, etc …: les élites comme le président Mas profitent de leur quatrilinguisme (ancien lycéen français).

L’histoire a été systématiquement gommée et utilisée. Les nations sont des constructions (Anderson). Les espagnolistes sont considérés comme les « descendants du franquisme » (le 27 septembre représente aussi la commémoration macabre du 40ème anniversaire des derniers fusillés d’un franquisme dont l’imaginaire n’a jamais été complètement dépassé sous la croix ténébreuse du « Valle de los Caídos » (la Vallée des Tombés ) mais on ignore l’alliance entre bourgeoisie catalane et franquisme face aux “incontrolats” de la Guerre Civile ; et l’esclavagisme catalan à Cuba, le protectionnisme espagnol qui a permis le séparatisme économique de la Catalogne, l’immigration des autres Catalans, etc … De nombreux jeunes catalans  ont du mal à bien parler l’espagnol linguistiquement et surtout idéologiquement, la langue des rivaux, “l’autre”, comme des hooligans sportifs. Mais évidemment, ils apprennent tous l’anglais. Et même si on leur répète qu’ils renonceraient à leur nationalité espagnole, et temporellement sine die sortiraient de l’UE, n’auraient plus d’accès à la BCE, auraient des frontières et des douanes, l’indépendantisme suit sa route. Tout ceci contre les calculs d’un gain pirrique de 1/1,5% du PIB de l’ex président du parlement européen, Josep . Borrell, qu’on a barré à la télé catalane. Comme l’explique un mes correspondants, on ne peut pas comprendre tout ceci de l’extérieur. C’est la phénoménologie de l’indigène.  Et ainsi de suite …

Et pendant ce temps, la fuite en avant:   Daech financé par ce Qatar affiché  par le  Barsa pendant que les suiveurs indépendantistes crient  “Independenzia” aux mins. 17’14” au  “Camp Nou”, le musée le plus visité en Catalogne, bien plus que le Dalí ou Miró. Tandis qu’un loup pas si solitaire pourrait débarquer à la Costa Brava    sur une vague de Catalans bien protégés par leurs pots de vin à La Generalitat et surtout par les services de renseignements internationaux dont les franco-espagnols,    on pense à une  république presque sans armée mais sous l’OTAN, avec des services secrets improvisés: sans   empêchements et  coûts  mais avec tous les droits et bénéfices.

La république utopique catalane où la crise des précarisés a fait pouf … Venez-y donc tous vite avant que les frontières ne se ferment!

 

 

Bons résultats de Ciutadans comme formation de centre-droite progressiste  qui va essayer de remplacer l’incapacité du PP dans cette affaire et à la tête du parlement de Madrid. Le PP a donné des ailes aux indépendantistes. Il faudra que Madrid  permette un  référendum où les résultats soient jugés sur la décision de la Cour Suprême du Canada qui a établi qu’une déclaration d’indépendance au Québec ne pourrait jamais se réaliser sur la base d’une majorité simple mais sur une majorité qualifiée (entre 2/3 et 3/4).

Les indépendantistes ne sont pas encore   à un niveau des 2/3 (48%) mais ils ont augmenté légèrement par rapport au référendum “ad hoc”  de 2014 et on ne compte pas les indépendantistes cachés  chez les suiveurs de “Podemos/Sí que es pot” qui ont naufragé avec le PP. Les indépendantistes rengorgés de ces  ras-le-bolistes    sont clairement majoritaires même si personne ne le reconnaît.  Mais  surtout ils pourraient y arriver à l’indépendance  s’ils continuent à contrôler les ressorts de l’enseignement, la communication et la langue. Et ils ne les lâcheront jamais, surtout avec les résultats de ce soir.

Même si Madrid  arrive à obtenir une réforme de la Constitution espagnole et du “Estatut” catalan où il y aurait le compromis de ne pas briser l’unité d’après les règles marquées de majorité qualifiées, la pression systématique d’une société mobilisée envers l’indépendantisme ferait éventuellement  le reste: “aujourd’hui patience; demain indépendance”.  Et Junqueras, l’idéologue de ERC dans “Junts pel sí”  vient de déclarer qu’ils ont obtenu la majorité parlementaire et qu’ils vont faire le forcing. Ce n’est pas que  de la mythomanie viscérale  même s’il y aura aussi  des divisions à l’intérieur de la coalition indépendantiste, ce qui les freinera un peu mais ils vont essayer d’aller très vite avec un PP à Madrid en déconfiture qui va jouer avec la carte de l’amélioration de l’économie et  du lessivage de Mas,  comme si l’indépendantisme était focalisé sur un politicien. Ils n’ont vraiment  rien compris à cette révolution silencieuse  menée d’une  main de maître par les meilleurs volontaires indépendantistes des agences de publicité de pointe en Espagne qui sont presque toutes en  Catalogne. .

Il faut maintenant attendre les élections générales au mois de décembre où une possible coalition  entre Ciutadans et PSOE est possible avec l’abstention de Podemos ce qui marginalisera le PP. Les indépendantistes ne  reproduiront pas leurs résultats de ce soir à Madrid puisqu’il savent que ceci ne leur sert vraiment pas à grand chose. Ils n’en ont plus besoin!

Donc peu d’espoir  que tout ceci puisse être reconduit passablement vers une compromission. Surtout quand il a très peu de personnes d’état ni en Catalogne,  ni en Espagne ni en Europe, de vrais intellectuels de la politique (des Josep Borrell lessivés comme chef du PSOE par les patrons du parti   à la solde  de Gonzalez en 1999) qui puissent mener à bien une manoeuvre de sauvetage   fédéral  très périlleuse dans des eaux majoritairement séparatistes.

 

 

 

Sous le pseudo mondinaire trois de mes réactions pour cet article sur les   élections catalanes

 

http://www.slate.fr/story/107357/pourquoi-pige-rien-independantisme-catalan

 

 

 

 

En résumé: combien d’indépendantistes se cachent sous Sí que es Pot et combien de Catalans empreynats (embêtés) non indépendantistes sous Junts pel Sí. La société catalane est complètement tranchée par  sa colonne vertébrale  et ceci mérite une très grande attention que beaucoup trop ont ignoré  par incapacité et/ou lassitude et que la presse essaye de minimiser aujourd’hui. Il suffit d’écouter le ton de voix absolument  euphorique  sous les déclarations des indépendantistes qui ne sont pas disposés à tendre aucune main. Ce n’est pas leur but.

Nous sommes face à une révolution de caractère transversal et amplifiée par les nouveaux réseaux de communications magistralement  utilisés par les indépendantistes.

 

Des solutions?

 

Un référendum rapide favorisé par una majorité de  Catalans (2,5 millions avec les résultats d’hier si on ajoute aux indépendantistes les votes de Sí que es Pot et Unió)    avec une question claire et avec toutes  les conséquences bien expliquées où toute l’Espagne s’implique et avec des indications  claires (UE/BCE/ONU, etc.)  au sujet des conséquences d’une sécession   et   avec une majorité qualifiée (non simple) d’après la sentence de la Haute Cour du Canada au sujet du Québec pour valider un résultat de sécession (entre 2/3 et 3/4).

 

Alternative  d’un fédéralisme large (fiscalité adressée et revue pour les inégalités du Pays Basque et la Navarre  qui collectent leurs propres impôts) et pluriel pour tous qui existe largement déjà sous la rubrique des autonomies mais respect de la fédération et des intérêts communs: la diversité qui enrichit les Espagnes   ancrée comme grand avantage général surtout pour une Catalogne, la plus diverse de toute la géographie péninsulaire et où   les indépendantistes ne pourraient pas avec leur politique silencieuse mais très efficace, éducative, culturelle, linguistique et de communication implanter l’indépendance malgré tout (idéologie mythomane chez ERC et CUP et de suiveurs de JUNTS PEL SI)  après deux ou trois générations de doctrine supplémentaire.

 

Mais peut-être trop tard:  les institutions sont vétustes, lourdes et inefficaces,  il faut attendre les élections générales en décembre  et les compromissions improbables et difficiles, les visionnaires d’état  introuvables, ceux des rues, partout.   Des solutions débattues ne tombent-elles pas dans le domaine de l’utopie une fois que nous avons des masses dans les tranchés du sentiment national  et non sur les plaines des droits humains et  du caractère illuminateur de  l’histoire   dont  les failles et messianismes ont été adressées décisivement par  Hannah Arendt,  Walter Benjamin ou  Josep Ferrater Mora,  victimes du nationalisme du sang et du sol?